Christophe Chaudet (RTS), Président de la commission Info des MFP : "Croiser nos lectures de l’actualité n’a jamais autant fait sens"

04.04.2022

Au lendemain d'un nouveau projet commun concernant cette fois le premier tour de la présidentielle en France, Christophe Chaudet, le Directeur Actualité et Sports de la RTS qui préside la commission Info des MFP, expose les enjeux du renforcement des coopérations entre les rédactions francophones de service public.


Christophe Chaudet préside la commission Info des MFP depuis janvier 2021. (© RTS / Laurent Bleuze)

 

> Comme pour le premier tour de la présidentielle qui a eu lieu en France ce dimanche, tous les grands événements de portée internationale récents ont donné lieu à des couvertures communes par les rédactions des MFP et/ou à de nombreux échanges de contenus. À quelle volonté correspond ce renforcement des coopérations ? Quels sont les prochains sujets qui pourraient faire l'objet de telles mises en commun ?

Nous avons posé un constat : en ces temps tourmentés, jamais les médias de service public n’ont autant incarné une valeur refuge en matière d’information, bien commun d’une majorité silencieuse ; mais jamais ils n’ont été autant décriés par quelques minorités bruyantes, apôtres de la défiance et du complotisme.

Alors dans ce contexte d’intransigeances sectorielles, nous pensons qu’il est particulièrement utile de répondre à l’émiettement des communautés en développant des opérations communes (émissions en direct, échanges de reportages, pages spéciales francophones, etc.), façon d’asseoir et mutualiser notre légitimité et crédibilité.

Croiser nos lectures respectives de l’actualité n’a jamais autant fait sens. C’est ce que nous avons fait durant la pandémie, à de multiples reprises. C’est ce que nous nous employons à faire dans le cadre de l’élection présidentielle française. Et que nous entendons développer à l’avenir autour de faits d’actualité ou de grands enjeux de société, à l’instar des questions environnementales par exemple. Dans le sillage de la couverture ukrainienne, nous réfléchissons également à nous doter d’une plateforme commune de fact-checking.
 

> Les crises successives traversées par nos sociétés – pandémie généralisée accompagnée bientôt de menaces sur la paix mondiale – ont marqué la multiplication des contacts et consultations entre les directions de l'info de nos médias. Avec quels bénéfices pour les rédactions participant à ces échanges réguliers ?

C’est un formidable stimulateur éditorial. Cela nous permet de nous projeter un peu plus loin, avec une certaine hauteur de vue. On a observé ces dernières semaines le retour du feu militaire sur sol européen ; depuis quelques années, le retour des frontières, dans un monde qui avait pourtant tout fait pour les abattre. On a pu sentir certains replis s’amorcer, certaines Lumières pâlir.

Alors, à l’heure de ce renfermement sur soi, il est primordial de soutenir les passerelles éditoriales entre les directions de l’info, entre nos médias, entre les communautés, de maintenir une fenêtre ouverture sur d’autres mondes et de s’acharner à défendre une meilleure compréhension mutuelle.

C’est un enjeu culturel en fin de compte : relier les savoirs, réunir les individus et mieux appréhender les différences. Autant de bénéfices retirés par nos rédactions à travers ces échanges multiples. En plus des gains immédiats : reportages mis en commun, compétences éditoriales partagées, conseils sur la sécurisation de nos équipes en zone de conflit, etc.
 

> Rétablissement de la confiance, lutte contre la désinformation, développement de nouvelles offres à destination en particulier des jeunes publics... Les échanges entre les rédactions des MFP peuvent-ils apporter des réponses communes aux grands défis de l'information de demain ?

Par-delà l’intérêt évident de partager les enseignements tirés de nos succès ou échecs respectifs, la première réponse commune c’est celle du « sens » de notre mission d’information. On vient de vivre deux crises successives. Sitôt le feu pandémique contenu, c’est un incendie d’un autre ordre qui a commencé à ravager l’Est du continent.

Le drame ukrainien interroge nos sociétés prises en défaut d’insouciance et de légèreté, depuis des décennies, en faisant mine de croire que les grands périls de l’histoire ne nous concernaient plus. Aujourd’hui, nos médias sont en première ligne dans le récit de ces grands bouleversements.

Notre point de ralliement, c’est précisément la recherche du «sens», constitutive du vivre-ensemble, à une époque où les balises font bien souvent défaut. Remplir cette exigence, c’est répondre du même coup aux grands défis éditoriaux de demain : tout à la fois rétablir la confiance et offrir une meilleure perception de ce bien commun qu’est l’information.
 

Propos recueillis par Hervé Lefèvre (Les MFP)