Des menaces pèsent sur l’audiovisuel public en Suisse. De quelle nature sont-elles ?
Nous sommes face à deux débats : quels sont les domaines de programmes qui doivent relever du mandat de l’audiovisuel public ? Et celui-ci peut-il encore bénéficier d’un financement public ?
Derrière la première question se cache l’idée que l’audiovisuel public devrait couvrir uniquement les domaines que les privés ne peuvent pas – ou ne veulent pas – couvrir. En clair : ceux qui ne sont pas rentables. Or, en Suisse, petit pays constitué de quatre marchés linguistiques, et plus encore en Suisse romande, le marché n’a pas la taille et la capacité suffisantes pour garantir une production audiovisuelle généraliste et de qualité.
La question du financement public est posée par une initiative populaire, instrument de la démocratie directe suisse qui permet à 100.000 citoyens de soumettre au vote populaire une modification de la Constitution. Les initiants veulent interdire tout financement public (redevance, impôt ou budget de l’Etat). Ils estiment que le financement généralisé de la redevance est archaïque et que, dans un monde globalisé et ouvert, chacun est libre de payer pour ce qu’il consomme. C’est donc une vraie question de société qui est posée au peuple suisse.
Le paradoxe, c’est que les programmes de la RTS sont très appréciés du public, avec des taux d’audience élevés !
Les débats autour de l’audiovisuel public sont à la convergence de trois mouvements : le courant ultralibéral, qui pense que seul le marché doit déterminer ce qui a du succès ; une partie de la droite politique, qui veut réduire l’influence de certaines institutions (para-)étatiques, même si la SSR est une entreprise indépendante ; et enfin, ceux qui défendent l’idée que « je paye pour ce que je consomme ».
Cela n’enlève rien à l’attachement du public pour la RTS, qui est très grand. Mais cet attachement doit maintenant s’exprimer dans un acte d’adhésion politique, à travers un vote. La longue période qui s’ouvre jusqu’à ce vote en 2018 ou peut-être 2019 est l’occasion pour nous de faire prendre conscience au public à quel point nous sommes essentiels pour lui, pour la société, pour le pays.
Beaucoup d’audiovisuels publics européens sont mis en cause. Les raisons sont-elles uniquement financières ?
Pas seulement. Les audiovisuels publics sont doublement victimes de la méfiance à l’égard des médias, dont l’indépendance et la crédibilité sont gravement mis en cause par certains milieux politiques ou une partie du public ; et du fait que la notion de « service public » a beaucoup perdu de son sens dans une société individualisée, frappée par des crises économiques, sociales ou identitaires.
Paradoxalement, c’est grâce à l’audiovisuel public que nos sociétés vont réussir à surmonter ces crises, car nous sommes un des ciments de la société – et plus qu’un service public : un bien public !
Propos recueillis par Doron Allalouf (RTS)