Pour accompagner les mutations du secteur audiovisuel, la RTBF bouleverse son modèle d'entreprise

03.12.2017

L'Administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot, expose en détail la réorganisation ambitieuse que va connaître le diffuseur public, afin que celui-ci continue d'assurer ses missions « dans un univers qui sera devenu à 100% numérique ». Une nouvelle organisation basée sur deux pôles essentiels : les contenus et les médias.

> Quelles sont les origines de ce plan de transformation ?

Depuis 2002, la RTBF inscrit son travail dans une perspective dynamique et de réflexion stratégique. Cette démarche nous conduit régulièrement à actualiser notre vision à moyen terme, et depuis 2002, nous avons ainsi conduit trois réflexions prospectives successives dont les résultats en termes économiques, de développement d’activité et d’audiences sont très clairement mesurables.

Nous avons lancé début 2016 un processus de révision de notre stratégie avec l’ambition de se fixer des objectifs à cinq ans. Compte tenu de la profondeur de la transformation du secteur audiovisuel, il nous est apparu nécessaire de travailler en deux phases. Une première phase de diagnostic de l’entreprise et d’analyse fine de l’évolution de notre secteur d’activité que nous avons menée avec la société de conseil McKinsey et dont les résultats ont été partagés avec les cadres de l’entreprise et notre Conseil d’administration.

Et une deuxième phase sur base des conclusions de cette analyse qui consiste en la rédaction d’un projet d’entreprise à cinq ans que nous avons appelé Vision 2022. Ce plan est destiné à concrétiser notre vision d’un média de service public réalisant ses missions et faisant la promotion de ses valeurs dans un univers qui sera devenu à 100% numérique. Mais également d’être le premier producteur de contenus originaux francophones belges. Vision 2002 a été approuvé à l’unanimité par notre Conseil d’administration en décembre 2016. Dans le cadre de sa mise en œuvre, il est apparu évident qu’il fallait faire évoluer le modèle d’organisation de l’entreprise.


> Quelles ont été les sources d’inspiration du futur modèle d’entreprise ?

La réflexion s’est enrichie à la fois de nos expériences personnelles et du diagnostic interne. Elle s’est aussi enrichie des expériences d’autres services publics européens et a été alimentée par les trajets de transformation que de nombreuses entreprises, confrontées aux défis d’une société qui évolue et d’un monde qui devient numérique, ont entrepris. Il est intéressant de voir que des entreprises de secteurs d’activités très différents sont aujourd’hui en train de relever les mêmes défis de transformation interne et de changements dans les processus, les méthodes et l’état d’esprit.

Il est frappant de voir qu’au même moment des collègues finlandais, irlandais ou australiens développent des modèles d’entreprises similaires. Il nous a été utile de s’inspirer aussi du travail conduit il y a quelques années par nos collègues norvégiens de NRK, qui ont dû un peu plus rapidement que nous s’adapter à une concurrence internationale et à des pratiques de plus en plus non linéaires de la part de leur public.


> Quelles sont les spécificités du modèle ?

Dès que le principe de transformation a été adopté, on a retenu deux principes originaux. Le premier est de mettre en place une équipe de transformation et d’accompagnement du changement composée pour moitié de collaborateurs de l’entreprise venant de ses différents secteurs d’activités, tous volontaires et dégagés à temps plein de leurs fonctions, et d’experts externes spécialisés dans les domaines de l’organisation et de la définition des processus et dans l’accompagnement au changement. On a créé ainsi une équipe mixte, riche des expériences liées aux défis de la transformation mais aussi de toutes les caractéristiques et valeurs propres à l’entreprise.

Le second principe réside dans l’adoption d’une démarche largement participative et un plan de communication vers l’ensemble des collaborateurs qui a démarré dès le début du processus pour expliquer les raisons pour lesquelles il était nécessaire de changer et la méthode retenue pour y arriver.


> Quelles sont les grandes lignes de cette nouvelle structure ?

Première caractéristique, la structure est résolument orientée vers ses publics. Elle intègre l’évolution des comportements des publics et la fragmentation des usages par rapport aux médias. Nous créons quatre fonctions éditoriales chargées d’adresser quatre groupes de publics rassemblés en fonction de leurs attentes par rapport aux médias et de leur mode de consommation. C’est la première fois qu’on crée un poste de pilotage éditorial orienté vers les publics et prenant en compte la fragmentation des modes et des rapports aux médias.

La deuxième caractéristique, qui constituera le moteur de l’entreprise, est la constitution d’un pôle de création, de production et d’acquisition de contenus quel que soient les formats et les plateformes de diffusion. Nous rentrons dans un mode de production et de développement 360 degrés.

La troisième caractéristique est un pôle média qui exerce les fonctions de publications et de gestion de toutes les plateformes : linéaires avec la radio et la télévision et non linéaires avec les sites Internet, les réseaux sociaux, les players et les applications.

La quatrième caractéristique, c’est la création d’un processus visant à la création des offres éditoriales fondées sur le modèle du commissioning assez répandu dans le monde anglo-saxon. Enfin, on crée une fonction de gestionnaire des données et une fonction transversale d’accompagnement de cette transformation digitale.


> Quelles sont les prochaines étapes de ce processus de transformation ?

Le modèle d’entreprise est approuvé par le Conseil d’administration. L’étape suivante est double : d’une part, l’ouverture des fonctions et donc la composition du nouvel organigramme de l’entreprise et, d’autre part, la préparation de cette phase transitoire qui, par étapes successives, doit nous amener à être pleinement opérationnels dès septembre 2018.


Propos recueillis par Nathalie Pierard (RTBF)