Radio-Canada met le big data au service de la connaissance fine de ses auditoires

01.05.2017

Stéphane Caron s'est joint à l'équipe des Médias numériques de Radio-Canada en juin dernier à titre de Premier directeur, Intelligence d'affaires. Il s'est vu confier le projet stratégique de la connaissance fine des auditoires comme mandat principal. Il répond ici à cinq questions concernant ce projet.


Pouvez-vous me définir ce qu’est la connaissance fine des auditoires à Radio-Canada ?

Pour nous, il s’agit de collecter le plus de données pertinentes concernant nos auditoires sur nos plates-formes numériques. Il est question de mieux comprendre leurs habitudes de comportement pour aiguiller notre prise de décision stratégique. Nous cherchons éventuellement à faire de la recommandation de contenu intelligente, avec des algorithmes qui utilisent l’intelligence artificielle ou qui sont basés sur des habitudes de consommation passées. C’est un projet multiniveau. Nous en sommes aux balbutiements.

Nous avons des sources de données qui existent déjà, mais nous ajouterons différentes plates-formes qui vont venir bonifier nos données relatives à l’auditoire. Nous utilisons en ce moment Adobe Analytics, qui mesure la consommation de contenu. Nous souhaitons améliorer notre analyse en implantant un outil de gestion de données (Data Management Platform [DMP]) pour recueillir les habitudes de comportement des utilisateurs. Nous pourrons alors analyser les différents contenus qu’un utilisateur consomme et ses préférences. À partir de là, nous segmenterons l’auditoire pour lui faire des recommandations.

Y a-t-il des enjeux de protection de la vie privée avec les outils utilisés ?

Étant une société d’État, il y a beaucoup d’enjeux au sujet de la collecte de données. Nous devons nous assurer de respecter les différentes lois qui s’appliquent tout en faisant preuve de leadership sur le sujet. Nous sommes en train de mettre en place un plan de gouvernance des données afin de bien cadrer nos initiatives et gérer les données de façon sécuritaire et responsable.

Un centre informatif est actuellement en développement pour bien éduquer nos utilisateurs sur les données collectées et leur usage. Il sera toujours possible de se désabonner du service. Nous respectons les lois canadiennes, mais nous nous inspirons aussi des lois européennes, qui sont plus strictes que les nôtres.

Quelles sont les retombées que vous pouvez déjà analyser avec les outils en place ?

Sans aller dans le détail, prenons ICI Tou.tv, notre plate-forme de visionnement de contenu sur demande. Nous évaluons actuellement les habitudes de visionnement des auditoires afin de bien comprendre leurs comportements. L’objectif étant de créer une plateforme technologique et un catalogue optimal répondant aux attentes de notre auditoire. Nous allons également travailler prochainement sur la mise en place d’outils de recommandation de contenu automatisés afin de mieux exposer notre contenu et ainsi en augmenter sa découvrabilité.

Utilisez-vous d’autres outils en complémentarité avec le DMP ?

On a mis en place récemment une plate-forme qui s’appelle Clicktale. C’est un outil qui permet la vue en carte de chaleur (heat map) de nos propriétés, et qui rejoue des séances d’utilisateurs. Cette plate-forme est particulièrement pertinente lorsque nous analysons les interactions des usagers avec nos produits. Nous sommes alors en mesure de valider où leur attention est portée et ainsi nous assurer de la découvrabilité de notre contenu.

Nous pouvons, par exemple, examiner un entonnoir de conversion pour voir si un utilisateur quitte à un moment particulier. L’outil nous donne du contexte sur ce qui irrite l’utilisateur et nous pouvons agir plus rapidement pour corriger le problème. Nous évitons de créer des hypothèses qui nous mènent dans la mauvaise direction.

À terme, quels sont les objectifs liés à une implantation réussie d’un DMP ?

Avoir une vue centralisée de l’utilisateur sur toutes nos plates-formes et être en mesure de prédire les comportements d’un internaute, en se basant sur les contenus qu’il consulte. Nous nous assurons que l’ensemble des données comportementales des usagers sont anonymisées de sorte qu’il soit impossible pour nous de relier un comportement à un individu.

En consultant des contenus sur nos diverses plates-formes, l’utilisateur nous aide à bâtir un profil basé sur ses intérêts. Par exemple, si je consomme principalement du contenu à teneur politique sur Radio-Canada.ca et sur ICI Première, mon profil utilisateur reflétera cet intérêt. Ces données peuvent alors être utilisées afin de recommander des contenus pertinents. Les algorithmes existants ayant tendance à créer un effet tunnel, nous planifions de les faire évoluer pour bonifier la découvrabilité des contenus.

L’objectif est d’obtenir une vue globale et unifiée de la consommation de nos contenus. C’est non seulement un grand défi d’un point de vue de collecte, d’unification, et de centralisation de données, mais également d’un point de vue de gestion de la vie privée. À partir du moment où nous réussirons à créer ce point central, nous pourrons développer des algorithmes qui bénéficieront de l’apprentissage par machine, pour encore mieux recommander du contenu. À terme, c’est d’utiliser les mégadonnées au service du citoyen numérique canadien.



Propos recueillis par Dominique Gagné, Directrice, Intelligence d'affaires numériques, Médias numériques de Radio-Canada